Interview de Patrick Duval

Rédacteur en chef du magazine " Wasabi " consacré à la gastronomie nippone, Patrick Duval est aussi l'auteur de plusieurs guides sur le Japon. Il gère à Paris une école de cuisine japonaise dédiée aux amateurs.

Interview de Patrick Duval
© Patrick Duval

D'où vous vient cette passion pour la cuisine japonaise ?

 

J'ai souvent séjourné au Japon, dans ma carrière de journaliste. J'y ai découvert une cuisine très riche, qui ne se limite pas aux simples sushis que l'on connaît bien en France. J'ai voulu faire découvrir la diversité de la cuisine nippone à travers mon trimestriel gratuit, Wasabi, qui est distribué dans la plupart des restaurants japonais.

On dit de la cuisine japonaise qu'elle est saine et diététique. Pourquoi ?

La cuisine japonaise est peu grasse, elle n'utilise quasiment pas de sauce. Elle met en avant le goût originel de l'aliment, sans le masquer avec des épices. L'exemple le plus parlant est la dégustation du poisson cru, simple et naturel. Les Japonais transforment peu le goût des choses. Les légumes cuits sont encore craquants. Là bas, on dit d'ailleurs qu'un légume trop cuit est un légume mort.
 

 

On dit également qu'il faut 10 ans pour devenir maître sushi. Pourquoi est-ce si long ?

Il y a une grande différence entre les chefs japonais. Un maître sushi a acquis une connaissance sur le poisson. Il sait lequel peut se manger cru ou non. Il sait comment couper chaque poisson, à quel degré de maturation la chair de poisson est la meilleure. La bonite par exemple est parfaite au bout de trois jours. Il y a tellement de poissons à connaître qu'il faut des années pour devenir maître sushi.
 

"Un autocuiseur est indispensable pour réussir le riz à sushis."

   

Quel est le plat le plus difficile à réaliser ?

 

Je dirais les sushis. C'est très technique, contrairement aux apparences. Il faut savoir découper correctement le poisson, laisser assez d'air dans le riz. Au Japon, on dit que " le poisson a le goût de la coupe ".

Comment réaliser de bons sushis et makis ?

Il faut utiliser un riz "japonica" et non un "indica", comme le basmati, dont les grains sont trop longs et pas assez riches en gluten. Il faut laver le riz pour ôter tout l'amidon, l'égoutter 30 minutes puis le laisser tremper dans son volume d'eau froide. Un autocuiseur est indispensable pour maîtriser la cuisson du riz. Une fois le riz cuit, il ne faut pas ouvrir l'autocuiseur, mais le débrancher et laisser le riz encore 20 minutes dedans, sans ouvrir le couvercle : la vapeur va finir de le cuire. Passée cette étape, on mélange le riz tiède avec un mélange de vinaigre de riz, de sucre et de sel (pour 1 kg de riz : 12 cl de vinaigre, 80 g de sucre, 10 g de sel). Et enfin on moule le riz dans les paumes de la main légèrement humides.

Pour les makis, on utilise l'algue noire nori. Et surtout, pas de sauce sucrée avec les sushis ! C'est une aberration pour les Japonais ! Les sauces sucrées accompagnent uniquement les brochettes.
 

Qu'est-ce que je peux servir comme boisson avec un repas japonais ?

Avec des sushis, pourquoi pas une bière japonaise, ou du saké, qui est un alcool doux. Il s'agit d'un vin de riz dont la teneur en alcool est d'environ 14%. On peut aussi choisir un vin blanc minéral ou du thé vert sencha.
 

Comment expliquez-vous l'engouement des Français pour la cuisine nippone ?

Pendant 20-30 ans, nous avons eu beaucoup de restaurants chinois. Ils sont passés de mode, les scandales sanitaires aidant. Beaucoup de Chinois se sont reconvertis dans la restauration japonaise d'ailleurs ! Les Français s'intéressent depuis quelques années à la culture japonaise, la gastronomie en fait partie.
 

"On utilise le thon albacore pour les sushis, pas le thon rouge qui est menacé."

Certains consommateurs, sensibles à la cause du thon rouge, se détournent des sushis. Vous sentez-vous concerné ?

Le thon rouge est très rarement utilisé. On ne le trouve quasiment plus sur le marché européen. La majorité des sushis est réalisée avec du thon albacore, non menacé, contrairement à celui de Méditerranée. La chair du thon albacore est aussi rouge, ce qui provoque une confusion au niveau des consommateurs.
 

La carte des desserts japonais typiques est réduite. Comment expliquez-vous cela ?

Il n'existe pas de tradition japonaise du dessert, comme on peut en avoir une en France. Cela est dû au fait qu'on utilise déjà du sucre dans les plats : le riz à sushis est légèrement sucré, les brochettes de viandes sont caramélisées... Le dessert qui me vient à l'esprit est l'omelette japonaise. Elle est simplement composée d'œufs, qu'on cuit en omelette dans une poêle carrée, et de sucre, de sauce soja et de mirin, qui est une liqueur de riz. On roule l'omelette sur elle-même et on la coupe avant de la servir.

Vos bonnes adresses ?

 A Paris : le Zen, 8 rue de l'échelle, dans le premier arrondissement. On y mange un peu de tout. Très bons sushi et très bonnes soupes de nouilles.
A Nice : le Yuzu sushi bar, de loin le meilleur sushis de Nice et probablement de France. 35 rue Maréchal Joffre.

wasabi
Le trimestriel Wasabi est gratuit. © Patrick Duval

 Et aussi : Le site de Patrick Duval (cours de cuisine japonaise)

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