Martine Lambert, la reine des glaces

Arrivée dans le métier un peu par hasard, Martine Lambert est aujourd'hui une figure incontournable de la glace. De Paris à Deauville, elle régale les gourmands de ses délices glacés. Retour sur cette success story à la française.

Martine Lambert, la reine des glaces
© Martine Lambert

Rien ne prédestinait Martine Lambert à devenir artisan-glacier. Diplômée d'études de commerce, son objectif était de devenir son propre patron. Ce qu'elle est devenue. La glace, elle y est arrivée un peu par hasard... ou presque. L'affaire de surgelés qu'elle gère à l'époque avec son mari ne prend pas. A malheur toute chose est bonne, Martine Lambert ne se laisse pas refroidir et se lance dans la vente de glace à Deauville. Ses premiers cornets, c'est garnis de glaces de la Sorbetière de Paris qu'elle les vend. Mais très vite, Martine souhaite voler de ses propres ailes et se lance dans la fabrication de glaces. La suite, c'est une success story. Ses secrets ? La passion, l'énergie et le soin avec lequel elle choisit tous ses produits. 

On dit souvent que la pâtisserie suppose beaucoup de précision. Quelles sont les exigences en matière de glace ?
Trouver le juste équilibre entre les goûts, les matières grasses, le sucre, le foisonnement et l'humidité. Et acquérir une bonne mémoire du goût pour trouver les meilleures associations possibles. 

Le glacier est-il l'ombre du métier de pâtissier ?
Malheureusement oui ! Aujourd'hui, le glacier est encore considéré comme un détachement du métier de pâtissier alors que cela fait longtemps que l'on a détaché le pâtissier du boulanger. Je me bats pour creuser ce plafond de verre, notamment auprès des restaurateurs. Ces derniers font rarement appel à des maîtres glaciers car ils n'en voient pas l'intérêt et considèrent de toute façon que faire de la glace c'est très facile. Je suis actuellement en contact avec Eric Fréchon (ndlr chef triplement étoilé) pour lui démontrer tout l'intérêt qualitatif et gustatif qu'il aurait à traiter avec des glaciers. Lors de notre dernière rencontre, je lui ai fait goûter un dessert composé notamment d'une quenelle de sorbet cerise. Il a été piqué au vif. J'ai bon espoir, et ne compte pas en rester là !

La vente de glace est-elle liée aux conditions météorologiques ?
Bien sûr. C'est pourquoi nous complétons notre activité avec les desserts de fête, et notamment les fêtes de fin d'année qui nous assurent des ventes stables. Nous proposons par exemple une gamme de macarons glacés. Là encore, je veille à la qualité des produits. J'achète mes biscuits auprès d'un artisan d'Orbec (ndlr commune du Calvados) et je les fait livrer sur plaques.

Qui est le mangeur de glace ?  
L'avantage avec nos boutiques, c'est que nous sommes confrontés directement aux clients. Nous pouvons donc les observer ! Dans 90 % des cas, les mangeurs de glace choisissent des parfums qu'ils connaissent. Ils sont finalement assez peu friands des saveurs trop originales ! Ensuite, je dirai que les hommes sont plutôt glaces et les femmes, sorbets. C'est, je suppose lié à la croyance - erronée - que le sorbet est moins sucré que la glace : la teneur en sucre est la même, ce qui change, c'est la matière grasse.  Les hommes sont plus proches de leurs désirs, ils ont moins de complexes et n'hésitent pas à arroser leur glace de caramel et de quelques éclats de nougatine.

Combien de temps vous faut-il pour créer une nouvelle recette ?
Cela peut prendre un certain temps car je ne suis pas toujours en mesure de travailler un produit dans l'instant T. Ce fut le cas de la grenade que je souhaitais absolument mettre en glace. Je n'ai pas trouvé immédiatement avec quoi l'associer, notamment pour équilibrer sa forte teneur en humidité. Je l'ai donc stockée dans ma "bibliothèque sensorielle" jusqu'au jour où j'ai croisé le chemin de l'anone. Si ce fruit a peu d'intérêt seul, il présente en revanche toutes les qualités d'association avec la grenade. Son blanc inouï s'harmonise parfaitement avec le rose de la grenade. Le mélange des deux est exceptionnel. Créer un parfum, c'est tout un cheminement qui fait appel à toutes ses expériences sensorielles.

Quelle différence y-a-t-il entre un sorbet et une crème glacée ?
Dans un sorbet, il n'y a que des fruits et du sucre. Dans une glace, il y a du lait, de la crème et des jaunes d'œufs. Ni plus, ni moins ! Enfin dans mes produits, car les industriels, eux, n'hésitent pas à ajouter des blancs d'œufs pour alléger leur glace ou de l'air artificiel. Très mauvais pour les saveurs qui sont largement diluées... 

En quoi le choix des matières premières est-il important ?
De ce choix dépend la qualité de la glace. Que ce soit la pêche, la pomme, ou la fraise, tous mes produits sont sélectionnés selon leur terroir, leur variété, leur maturité. Et je n'y ajoute aucun arôme et encore moins de colorants. Leur forte teneur en fruits suffit à leur conférer de vraies et jolies couleurs. Pour le lait, c'est un fermier du Calvados qui nous livre quotidiennement du lait cru et de la crème fraîche. Cela fait 35 ans que nous travaillons ensemble et je n'en changerai pas de sitôt : nos glaces sont onctueuses à souhait. 

Quel est l'ustensile indispensable d'un glacier ?
Une centrifugeuse. La mienne tourne tous les jours. Ananas, noix de coco, mangue. Tout y passe. Cela me permet de récupérer le nectar des fruits et d'en faire d'excellents sorbets sans ajouts artificiels. 

Vos astuces pour réaliser une glace sans sorbetière ?
Un bon blender. En plus, c'est bien moins encombrant qu'une sorbetière. Lorsque votre mix (ndlr base de fruits ou de crème glacée) est prêt, répartissez-le dans un bac à glaçons et réfrigérez. Quand vous avez envie de le consommer, passez ces glaçons quelques minutes au blender. Vous obtiendrez une glace ou un sorbet à la texture très moelleuse. Si le résultat est un peu trop liquide, replacez-le quelques minutes dans le congélateur. C'est une astuce de chefs, sauf qu'ils utilisent un pacojet, une sorte de blender hyper efficace ! Le fait de passer la glace au blender permet de la débarrasser des microcristaux dont elle est couverte après sortie du congélateur, et surtout de lui donner une texture très moelleuse. Le résultat est bluffant. Essayez !