Flora Mikula : "Avoir une fille en cuisine était inenvisageable dans certains restaurants"

Que vous évoque la Journée de la Femme ?
J'aimerais qu'elle disparaisse car cela suppose qu'elle est encore nécessaire. J'ai le sentiment que ça met les femmes dans un ghetto, que ça leur porte parfois préjudice.

Comment expliquez-vous le manque de parité en cuisine ? 
C'est moins le cas aujourd'hui car de 15 à 25 ans, les jeunes filles sont de plus en plus présentes en cuisine. C'est après que ça se corse. Elles sont moins nombreuses aux postes de responsabilité. Non pas qu'on ne leur propose pas mais parce qu'il y a une prise de conscience de la vie privée en tant que femme. Soit elles sont capables de tout mener de front, soit elles ont des enfants et préfèrent arrêter. Il y a souvent une réticence de leur part mais peut-être aussi parce qu'elles ne sont pas assez épaulées…

Avez-vous été confrontée au sexisme en cuisine ? 
Je suis entrée à 16 ans en cuisine à une époque où les jeunes filles n'avaient pas leur place. Dans certaines maisons ce n'était même pas envisageable. C'était soi-disant trop dur, trop physique, perturbant. Des aberrations. Pour accéder aux cuisines gastronomiques, j'ai dû partir à Londres. Là-bas, les portes n'étaient pas aussi fermées. De retour en France, j'ai travaillé chez Alain Passard, l'un des rares chefs qui accueillait des femmes. J'avais déjà 24 ans et presque 10 ans de carrière mais il a eu le mérite de me prendre dans sa brigade. En revanche, je n'ai jamais été exposée à la violence. Parce que j'évitais les maisons où cela existait.

Quand on dit qu'une assiette est féminine, ça vous fait plaisir / vous énerve / vous fait ni chaud ni froid ? 
Je ne crois pas que ce soit forcément lié au fait ce soit une femme qui ait fait l'assiette. Pour moi, une assiette féminine dégage quelque chose de coloré, floral avec une touche de générosité et d'instinct. Je crois surtout qu'il y a des assiettes de chef, de personnalité.

Quelle(s) femme(s) admirez-vous ? 
Il y en a beaucoup mais j'admire tout particulièrement Simone Weil. C'est une femme qui a fait bouger les choses dans un milieu certainement plus misogyne et une période plus rude que maintenant. Parmi les chefs, je n'ai pas de modèle féminin en particulier car j'ai commencé à une époque où les femmes qui officiaient étaient des "filles ou femmes de". Il n'y avait pas de "figure féminine" comme il peut y en avoir aujourd'hui. 

Flora Mikula est chef du restaurant l'Auberge de Flora à Paris. 
©  Flora Mikula

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